Cheval indien by Richard Wagamese

Cheval indien by Richard Wagamese

Auteur:Richard Wagamese [Wagamese, Richard]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Amérindiens, Canada, Littérature étrangère
ISBN: 9782897720780
Éditeur: XYZ
Publié: 2017-09-14T22:00:00+00:00


27

Dans le Nord, chaque réserve avait une équipe. Dans ces communautés, les Indiens mâles grandissaient avec la certitude de pouvoir un jour porter les couleurs de leur réserve, à condition d’avoir l’âge et le talent nécessaires. Chaque fois que je voyais des gamins chaussés de patins décrépits en train de poursuivre une balle ou un bout de canette rempli de terre, je souriais au souvenir des crottes de cheval et des bâtons de hockey cachés dans la neige. Ces équipes étaient l’orgueil et la fierté de ces communautés. Nous devions payer une dizaine de dollars pour prendre part aux tournois ; l’équipe victorieuse recevait une petite bourse. De quoi payer l’essence pour le retour à la maison, et tout le monde était content. Le match inaugural avait lieu le vendredi soir, dès l’arrivée des premières équipes, et le tournoi se poursuivait pendant toute la journée du samedi. Le dimanche matin, la finale se tenait assez tôt pour permettre à tous les joueurs d’être au travail le lendemain. Personne ne partait avant la fin. Tout le monde voulait participer aux célébrations de la victoire. Nous ne vivions que pour la cohue des corps, les cris, les applaudissements et le tumulte qui accueillaient les champions, qui qu’ils soient.

La première partie du voyage de retour était tapageuse. Nous nous remémorions nos moindres présences sur la glace, nos moindres passes, tous les buts, toutes les bousculades. Nous taquinions ceux qui avaient perdu la rondelle ou encaissé une violente mise en échec. Nous riions des distractions et des déconvenues subites. Nous louions nos bons coups respectifs. Quand nous nous endormions enfin, c’était pour rêver au hockey. Il en allait de même, je crois, pour toutes les équipes. Chaque week-end, nous nous retrouvions avec le même enthousiasme, attendant impatiemment l’exaltation soulevée par le contact des lames de nos patins sur la glace.

Ce n’était pas à proprement parler une ligue. Le Nord était parsemé de réserves et, avant le premier gel, chaque capitaine indiquait à quel moment sa communauté organiserait son tournoi. L’information se répandait par le truchement du « télégraphe mocassin ». Pendant le printemps, l’été et l’automne, les joueurs s’entraînaient, couraient, soulevaient des poids et se préparaient en vue de la nouvelle saison.

Nous étions les « gitans » du hockey : toutes les fins de semaine, nous nous élancions sur une route de gravier pour nous enfoncer en plein cœur de l’extraordinaire paysage nordique. Pendant ces déplacements, nous ne songions pas au fait que nous étions spoliés, exclus d’office des ligues officielles. Nous ne songions pas au fait que nous étions Indiens. Différents. Nous n’en avions que pour le sport, et la fraternité qui nous soudait les uns aux autres en dehors de la glace, dans la fourgonnette, sur le sol en bois des maisons des réserves ou dans les relais fréquentés par les camionneurs où, en cas de victoire, nous nous offrions le luxe d’un bol de soupe et d’un hamburger avant de reprendre la route. De petits bonheurs, en somme, qui, réunis, entremêlés, formaient une expérience que nous n’aurions échangée contre rien au monde.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.